• Sommaire

    • [+]Préliminaires (3)
    • [+]Introduction (4)
    • [+]Amérique latine (13)
    • [+]Afrique subsaharienne (9)
    • [+]Monde arabe (11)
    • [+]Russie (11)
    • [+]Inde (11)
    • [—]Chine (9)
    • [+]Conclusions (6)
    • [+]Annexes (1)

Chine

L’usine du monde. Les Chinois au premier plan dans la production d’e-readers

Comme on le sait, la Chine est depuis plusieurs décennies un centre mondial de fabrication de biens en tous genres. Chaussures, textiles, jouets, produits chimiques, appareils électroniques : plus de trente ans après les premières réformes économiques de Deng Xiaoping, le faible coût de sa main-d’œuvre et un marché intérieur en pleine croissance ont fait de la Chine l’un des pôles industriels les plus dynamiques de la planète. Au début de 2010, le géant asiatique est parvenu à enlever à l’Allemagne la première place dans le classement des plus grands exportateurs au niveau mondial [1], et se prépare à détrôner les États-Unis pour assumer à son tour le leadership industriel en valeur absolue [2].

La suprématie chinoise se manifeste clairement dans le domaine des e-readers. Selon diverses sources, environ la moitié des dispositifs à encre électronique dans le monde se fabriquent en Chine [3]. Actuellement, on calcule qu’entre 60 et 70% du marché local se trouve aux mains de Hanvon [4], qui a vendu à ce jour plus d’un million d’e-readers [5]. Ce colosse de la technologie fondé en 1998 a réalisé des développements significatifs en software de reconnaissance de texte, solutions biométriques et autres avancées, qui lui ont valu diverses récompenses internationales [6]. Ses principaux objectifs à moyen terme sont de grandir sur le marché nord-américain [7], de développer massivement son récent dispositif d’encre électronique couleur [8], et de s’affirmer comme distributeur de contenus [9]. Sur la liste des principaux fabricants d’e-readers, il convient en outre d’ajouter des entreprises telles que Jinke – avec Hanlin, dispositif très populaire [10] –, Newsmy et Netronix.

Selon Zhang Yanan, expert en dispositifs électroniques dans la société de consulting Analysys International, les e-readers étrangers ont peu pénétré le marché chinois parce que des entreprises comme Amazon ou Sony se montrent très circonspectes, que ce soit à cause de questions de copyright, pour le manque de circuits de distribution, ou du fait des difficultés liées aux typographies en chinois [11]. Si l’on ajoute à cela le fait que les e-readers distribués par Apple ou Amazon dans les pays industrialisés sont eux-mêmes assemblés en Chine, on peut être conduit à penser que le géant asiatique jouit d’une confortable avance dans ce secteur. Ceci étant, les fabricants d’e-readers chinois sont confrontés au même défi que les compagnies de services informatiques en Inde : comment élaborer une marque et entrer en concurrence sur des caractéristiques qui vont plus loin que le simple prix. En effet, la compétition entre fabricants d’e-readers est tellement féroce que les profits ne cessent de chuter, ce qui oblige nombre de concurrents à se retirer du marché – comme l’a fait Foxit et son dispositif eSlick [12] – ou à migrer vers d’autres domaines de l’électronique, comme la production de tablettes tactiles [13]. Avec le temps, on assistera peut-être au même phénomène de commoditisation dans le nouveau secteur des tablettes, au fur et à mesure de l’entrée en scène de nouveaux acteurs. C’est qu’au bout du compte, la valeur et les profits se dirigent vers ceux qui conçoivent les dispositifs, et non vers ceux qui les fabriquent. Récemment, le New York Times a décrit comment l’assemblage d’un iPhone 4 rapporte à peine 6,54 dollars – environ 1 % du prix de vente de l’appareil – aux entreprises en Chine, alors que les bénéfices pour Apple se montent à 360 dollars [14]. Apple et Amazon – de même que d’innombrables sociétés internationales [15] – disposent de business models intégrés qui vont beaucoup plus loin que la vente de hardware, ce qui leur permet de mieux résister à la guerre des prix. Comme l’explique Wang Bangjiang, vice-président de Hanvon :

Amazon bénéficie d’un marché beaucoup plus mature, sur lequel les consommateurs acceptent de payer 10 dollars pour télécharger un livre. Grâce à ces recettes juteuses provenant de la vente de contenus, Amazon est donc bien positionnée pour baisser les prix des dispositifs, ce qui lui permet d’attirer plus de clients. Ce n’est pas le cas de la Chine, où la majorité des consommateurs sont habitués à télécharger les livres gratuitement. De ce fait, les fabricants d’e-readers comme Hanvon dépendent encore de la vente des appareils et rencontrent de sérieuses difficultés pour baisser le prix de leurs produits [16].

Selon Sun Peilin, un collègue de Zhang Yanan chez Analysys International, il existe cependant une possibilité de sortir de cette impasse :

La marge de bénéfice dans le secteur de la vente de hardware est devenue de plus en plus étroite du fait de l’extrême concurrence (…). Ce que les producteurs chinois d’e-readers peuvent faire, c’est coopérer avec les maisons d’édition pour développer du software ; car ils ne survivront pas en vendant exclusivement du hardware [17].

Cette constatation a engendré en Chine des écosystèmes numériques qui combinent hardware, software et contenus, et sont en ce sens beaucoup mieux préparés pour défier leurs rivaux nord-américains ou européens. Avant de présenter ces cas intéressants, nous allons brièvement décrire les principales plate-formes d’e-commerce locales.


 

Notes    
  1. Cf. “China ‘overtakes Germany as world’s largest exporter’”, BBC News, 10 janvier 2010.
  2. Cf. Marsh, Peter : “US manufacturing crown slips”, The Financial Times, 20 juin 2010.
  3. Cf. Zhuang Guangping : “China’s digital publishing coming of age”, China Economic Net, 5 juillet 2010.
  4. Des dirigeants de Hanvon vont même jusqu’à assurer que leur entreprise domine plus de 70 % du secteur. (Cf. “China’s biggest e-reader maker Hanvon launches new online store in Taiwan”, The China Post, 28 décembre 2010).
  5. Cf. “Hanvon Unveils E-Book Store in Taiwan”, Want China Times, 28 décembre 2010.
  6. Cf. “Our Achievements”, Hanvon.
  7. Cf. par exemple Galante, Joseph : “Chinese E-Reader Maker Plans to Enter U.S. This Year”, Bloomberg, 6 janvier 2011.
  8. Cf. Taub, Eric A. : “Color Comes to E Ink Screens”, The New York Times, 7 novembre 2010.
  9. Cf. “Hanwang millions of electronic paper book sales broke Yingjian: content platform for future development”, people.com.cn, 6 décembre 2010. Nous reviendrons sur ce point au moment d’examiner les écosystèmes numériques privés.
  10. Cf. “COMUNICADO: Jinke lanzará los dispositivos de panel táctil de ePaper e infrarrojos de 9,7 pulgadas”, Europa Press, 3 janvier 2011.
  11. Cf. “E-readers writing a new chapter”, Global Times, 1er mars 2010.
  12. Cf. “eSlick Reader”, Foxit. Il s’est passé la même chose avec la compagnie Edo, qui – comme nous le verrons plus avant – a dû s’associer avec la chaîne de librairies Xinhua pour pouvoir maintenir sa ligne d’e-readers. cf. Wuping Zhao : “In Fierce Competition, Leading Chinese E-reader Manufacturer Halts Production”, Publishing Perspectives, 16 août 2010.
  13. Cette migration est stimulée par le fait que la patente pour l’encre électronique utilisée dans la majorité des e-readers est détenue par une seule et unique compagnie, Prime View International, basée à Taïwan. Cf. Tuo Yannan : “Is this the end of the chapter for e-book manufacturers?”, China Daily, 14 janvier 2011.
  14. Cette étude se base sur un rapport publié par la société de consulting iSuppli. Cf. “Inside your iPhone”, The New York Times, 5 juillet 2010.
  15. Cf. “Chinese manufacturers increase trade figures, but multinationals enjoy most margins”, People’s Daily, 2 janvier 2011.
  16. Cf. “Growing Pains”, Beijing Review, 30 août 2010.
  17. Cf. “Is this the end of the chapter for e-book manufacturers?”, op.cit.

1 Commentaire

  1. Stéphane

     /  01/05/2011

    Intéressant: L’usine du monde. http://t.co/bD7mRUw

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